Métro, boulot, dodo... j'avais toujours espéré ne pas en arriver là. Comme tout le monde j'imagine. Et pourtant, faut bien. Mais à la limite quand vous faites un boulot sympa, ça passe. C'est quand vous lever le matin devient une double corvée que c'est problématique.
Une double corvée ? Ben oui. Déjà, faut se lever. Et même quand je faisais des boulots qui me plaisaient énormément, j'ai toujours eu du mal. Y'a rien à faire, se lever est psychologiquement un chemin de croix, quoi qu'on fasse. Et là où ça devient doublement galère, c'est de se lever pour faire quelque chose qui vous déplait horriblement.
Pourtant j'aime bien mon boulot en soi, à savoir un petit sociologue de terrain qui réalise des diagnostics et enquêtes à la demande. Tout le problème de ce travail, c'est que le terrain varie énormément, donc qu'on peut se retrouver d'une très bonne place à une très mauvaise.
Actuellement je travaille dans une structure très sympathique qui est tout à fait en accord avec ce que je fais et comment je le fais. Là dessus, c'est le nirvana. Le problème, c'est que mon enquête s'adresse aussi à plein d'autres gens qui, ne m'ayant pas embauché, se demande ce que cet énergumène est venu foutre là. Et dans le milieu actuel, on ne fait pas que penser ce genre de choses, on vous le fait savoir à voix haute.
Résultat, alors que dans mon ancien boulot je me sentais comme un poisson dans l'eau, là, ce serait plutôt un poisson, encore, mais dans un champ de mines. On me dira à raison que ça fait parti du job. Quand on enquête, y'a des gens que ça inquiète et qu'il faut rassurer. Mais le problème n'est pas là. Ce matin encore, j'ai passé un quart d'heure au téléphone avec une personne qui devait distribuer un questionnaire de ma réalisation auprès de ses collègues mais qui émettait de sérieux doutes sur certaines parts du dit questionnaire et qui refusait finalement de le diffuser. Là, on a réussit à s'entendre quand même (ils ne rempliront que la troisième partie en fait, c'est toujours ça de pris). Mais bon, on ne tombe pas sur des gens prêts à négocier à chaque fois.
Jusqu'à présent, tout le monde a répondu à mes questions, que ce soit par entretien ou par questionnaire, mais on sent quand même pas mal de réticences. Il faut savoir que je me plaît dans la structure où je suis mais que c'est la seule qui accepte vraiment ce que je fais, notamment parce que c'est eux qui l'ont demandé. Mais le reste à d'autres points de vue et ne démord pas du fait que mon intervention devrait être aussi utile qu'un tableau blanc quand il ne vous reste que des craies.
Là où c'est plutôt injuste, c'est que ces points de vue existaient largement avant mon arrivée et qu'on m'a de suite catégorisé dans celui que défend mon lieu de travail. Avec le temps très court qui m'a été accordé pour mon enquête, je n'ai pas pu informer tout le monde que mon travail est objectif, donc que je me réfère d'abord à mes connaissances et à mes compétences en sociologie avant de prendre le premier point de vue venu. Mais cela ne convainc pas les quelques personnes que j'ai pu rencontrer de visu. Tout a été conclut avant même mon arrivée. Les objectifs, la méthode, les questions,... rien ne va parce que ce n'est pas avec eux qu'on a travaillé mais avec d'autres.
Ce qui est amusant, c'est qu'à force d'être constamment remis en question par des gens qui ne veulent pas comprendre ma démarche, ces mêmes gens me poussent vers les seuls qui me soutiennent, à savoir ceux avec qui je travaille. En gros, en doutant de mon objectivité dans cette affaire, il me pousse vers la subjectivité qu'ils me reprochent. Le fait d'en être conscient va me forcer à m'interroger là-dessus lors de la rédaction du rapport final mais je serai présomptueux de penser que je peux éviter toute influence.
Enfin bref, tout ça pour dire que ce n'est pas très motivant d'être à ma place en ce moment. L'avantage, c'est qu'un temps très court de travail va me permettre de retrouver mon ancien bureau plus rapidement. Encore deux semaines et je suis rendu. Ouf !
La seule question que je me pose c'est ce que je vais bien pouvoir dire dans ce rapport. Parce que évidemment, je sais déjà qu'il ne plaira pas à tout le monde, donc qu'il va surement se retrouver au placard vite fait (c'est également très motivant, non ?). Du coup, est-ce que je me permet de dire certaines vérités qui feront mal ? Ou je la joue gentil couillon pour être sûr d'avoir encore du boulot dans le domaine ? Je suis partagé. Mais écrire un long article sur un blog, ça sert aussi de défouloir. On verra ça à tête reposée.
6 commentaires:
J'adore te lire ! Mais la n'est pas la question.
Et pour être franc, je partage ton point de vu dans mon boulot actuel. Le fait d'être remis en question par des gens qui ne connaissent pas forcement tous les tenants et aboutissant est assez irritant.
M'enfin, il parlait de quoi ce questionnaire ? C'est sensible ? (pour qu'on en veuille pas te répondre ?!)
Sensible, pas forcément. C'est un questionnaire sur la réussite éducative, mais qui concerne toute la ville. C'est à dire que je ne vais pas seulement me concentrer sur l'école, mais aussi sur la ville en tant qu'environnement pour les jeunes.
Et c'est là que ça coince. L'éducation nationale veut bien taper sur la ville, mais tout va bien chez elle. La ville veut bien taper sur les associations et l'éducation nationale, mais elle, elle fait du bon boulot. Les associations tapent sur la ville et (un peu) sur l'éducation nationale mais elles sont au dessus de tout soupçon.
Enfin bref, chacun défend sa chapelle et se demande pourquoi ils devraient répondre à des trucs qui pourraient les mettre en cause dans un cas ou un autre.
Tout va bien tant qu'on en parle pas en gros.
En même temps, s'ils ne veulent pas répondre, c'est qu’ils ne sont pas sur d'eux, et là, c'est un réel problème. Les gens ont toujours peur d'admettre leurs erreurs. Pourtant, ça aide à aller de l'avant, si on met sa fierté de coté.
En même temps je comprends bien que j'ai mal posé mes questions, mais deux mois pour faire une étude complète c'est déjà insuffisant, et faire seulement un questionnaire digne de ce nom devrait déjà prendre plus de temps.
Ceci, cela dit, aide à comprendre pourquoi certains on des doutes, mais il y a quand même une mauvaise foi certaine derrière ces non réponses.
Ouais, de toute façon, c'est pas la faute à l'EN, ils forment tellement bien leurs profs et font des réformes tellement efficaces que ça peut pas être la faute à eux. :-)
Enfin, bon, c'est toujours dur de dévoiler les méthodes de travail utilisées et les manques engendrés par celles-ci ...
ben en plus le questionnaire ne rentre pas dans les détails. Mon boulot consiste à observer et rendre compte de ce qui ne va pas à un niveau global, mais pas forcément par une méthode ou une autre. Ensuite c'est aux acteurs de terrains de voir, selon leurs actions, ce qui fonctionne ou pas (je pourrai le faire aussi, mais c'est pas ce qu'on me demande là).
Du coup, vu comme c'est parti, j'ai un peu l'impression que mes conclusions, ils vont s'en balancer comme de l'an 40. Mais bon, ça, c'est plus mon problème, une fois que c'est fait.
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