jeudi 7 janvier 2010

Mon identité nationale


Longtemps j'aurai été contre le fameux débat sur l'identité nationale. Pour une raison simple, il ne peut apporter que discorde et exclusion. Mais à force de réflexions inévitables dû à la quasi-omniprésence des polémiques que ce débat engendre, j'en suis finalement arrivé à la conclusion que l'on ne pouvait, démocratiquement parlant, être contre un débat.

Certes, c'est un argument utilisé par le gouvernement de manière bien opportuniste (il n'avait pas les mêmes considérations lorsqu'il refusa arbitrairement et sans raison le débat sur l'adoption par les couples homosexuels) mais il faut reconnaître que l'on nous demande assez peu notre avis sur n'importe quel sujet. Donc puisque le débat est lancé essayons au moins de faire entendre notre voix.


Je ne pense pas que cela mènera à grand chose. J'ai toujours crains que ce débat ne soit un prétexte, un écran de fumée pour que le gouvernement amène ses propres idées sur la question. Le premier point d'étape sur l'identité nationale, présenté le lundi 4 janvier, ne fait que renforcer ces soupçons.

Tout d'abord, le débat est d'une opacité totale. Le site internet du débat en est à plus de 50 000 contributions. Qui va aller vérifier ce qui se dit vraiment ? Pour cela nous nous en remettons uniquement à la société TNS Sofres qui comptabilise le tout. Et d'où proviennent ces contributions ? Éric Besson proclame à qui veut l'entendre que le débat est « un immense succès populaire » et qu'un « très grand nombre de français s'en est emparé et souhaite s'exprimer ». Sur plusieurs dizaines de millions de français, à peine 50 000 contributions. C'est peut être important dit sans recul, mais en réalité, c'est presque marginal. Et de ces nombreuses contributions nous ne savons rien. Comment savoir que ce qu'elle raconte est bien le reflet de ce que pense la majorité des français ?

Je me suis inscris sur le site du débat. Comme sur de nombreux sites internet, on vous demande un nom d'utilisateur et un mot de passe. Rien de plus. Comment M Besson peut-il affirmer dès lors que « le débat n'est pas accaparé par un parti politique ou une administration » ? Qu'en sait-il ?

Le débat comporte aussi des réunions locales dont on nous dit, selon le dossier de presse du bilan, que « les élus de gauche ont répondu à l’invitation et ont été présents dans 50% des réunions locales. Quand les élus de gauche ne sont pas là, ce sont d’anciens élus ou des représentants d’associations qui expriment cette sensibilité ». Politiquement parlant, on est loin de l'équité.

Un débat est une chose, mais on ne peut considérer qu'il est forcément le reflet de la majorité, surtout quand certains ont déjà annoncé qu'ils n'y participeraient pas. L'on me dira « tant pis pour eux », peut être, mais c'est un droit de ne pas vouloir se prononcer sur un sujet. Comme le disait Alexis de Tocqueville, la Démocratie reconnaît au citoyen le droit de ne pas être citoyen. Quoi qu'il en soit, cela ne rend pas les conclusions du débat plus légitime.


Mais rebondissons sur la pensée de Tocqueville. Personne, en Démocratie, ne vous oblige à tenir vos responsabilités citoyennes, aussi bien les droits que les devoirs. Nous ne sommes pas forcés, et c'est heureux, de nous réclamer sans cesse de notre citoyenneté. Dans le même ordre d'idées, pourquoi dès lors, devrions-nous nous réclamer Français à tout bout de champs ?

Que l'on me comprenne bien. Je fais parti des français qui n'ont pas besoin de prouver qu'ils le sont. Mes parents le sont, mes grands parents aussi... bref, personne ne peut me dire que je ne suis pas français. Pour autant, je ne me suis jamais posé la question de savoir pourquoi je l'étais. Et aujourd'hui que la question se pose, je me suis interrogé. La réflexion a été longue et je me suis servi du débat pour essayer d'y voir plus clair. Mais il m'est apparu clairement que je n'avais pas grand chose de commun avec ceux qui se disaient « français ». Comment puis-je être si différents de gens qui sont comme moi ?

Mais en réalité le débat tel qu'il est mené actuellement n'est pas une bonne base de réflexion. C'est clairement un échange d'opinions politiques et pas les plus neuves, n'en déplaise à M Besson qui prétend le contraire.

Or donc, je poursuis mes réflexions sur la différence entre français. Et il m'apparait alors que j'ai bien une identité nationale française. Sauf qu'elle n'est pas la même que celle d'un autre français. Me reviens alors en mémoire cette autre phrase d'un autre grand homme, à savoir Georges Brassens : « Moi je n'aime pas la patrie. J'aime la France. Et c'est tout à fait différent. »

J'ai une identité nationale. Mais elle n'est pas la même que celui qui pense, par exemple, que la chasse est une tradition. Pourtant, pour lui, cela fait parti de l'identité nationale. S'il impose son point de vue, dois-je devenir soudainement un amoureux de la chasse pour rester français ? Et si moi, j'impose le mien, tous ceux qui ne pensent pas comme moi, qui ne ressentent pas la France comme moi, devront-ils changer pour rester français ?


L'acceptation de l'identité nationale est multiple. Elle ne saurait être unique. En ce sens, le débat est un piège puisqu'il a pour objectif affiché de « faire émerger, à partir de propositions mises en débat par les différents participants, des actions permettant de conforter notre identité nationale, et de réaffirmer les valeurs républicaines et la fierté d’être Français ». Et que faire si ces actions confortent « une » identité nationale dans laquelle je ne me reconnais pas ? Que faire si l'on réaffirme les valeurs républicaines en les instrumentalisant ?

Pourquoi serais-je fier de la France ? Il y a bien des points sur lequel je suis content d'être français et que je suis fier de compter dans mon identité nationale. Le fait que ce pays ait été la première Démocratie au monde, les pensées et écrits des Lumières, la gastronomie, etc... des choses nombreuses et différentes. Pour autant, pourquoi serais-je fier d'autres points qui, au contraire, pour moi, ne participe pas à la grandeur de la France ? Dois-je être fier de Vichy ? Dois-je être fier de la torture en Algérie ? Dois-je être fier que des enfants arrêtés devant leurs camarades à la sortie de l'école soient enfermées dans des centres de rétentions ?

Je peux être fier de la France, et donc d'être français, mais ce n'est pas toujours le cas. Va-t-on me forcer à être fier de mon pays en toute circonstance et quoi qu'il s'y passe ? Pourrait-on vous forcer à accepter et être fier de tous ce que vous n'aimez pas en France ?

A la lecture du premier bilan du débat, certaines propositions retenues me font frissonner. Par exemple, solenniser l’accession à la citoyenneté, par un serment citoyen, des Français à l’âge de la majorité et des étrangers accédant à la nationalité française. Cela va à l'encontre du principe démocratique énoncé par Tocqueville un peu plus haut. Tout dépend, évidemment, de ce que contiendra ce serment. Et si l'on est pas d'accord avec ? Nous ne serons plus français ? Ou alors il sera obligatoire, et nous perdrons alors un principe démocratique essentiel.


Le danger, vous l'aurez compris, est de formaliser une identité nationale unique qui ne serait forcément que le reflet d'un parti pris idéologique, même le plus ouvert possible. C'est d'ailleurs la façon de penser des extrêmes. A nouveau je dois m'inscrire contre M Besson lorsqu'il dit que « ce

qui fait le jeu des extrêmes, ce n’est pas le débat, c’est le tabou. Ce qui fait le jeu des nationalistes, ce n’est pas que nous soyons trop nombreux à parler de Nation, c’est qu’ils soient les seuls à en parler. » Ce n'est pas tout à fait vrai, ou plutôt, c'est un raisonnement beaucoup trop simpliste dû au fait que le ministre se défend surtout des accusations de racisme envers le débat. En réalité les nationalistes tentent d'imposer un point de vue unique de ce que doit être la nation et donc l'identité nationale. Se réapproprier l'idée de nation pour lutter contre ce danger est une chose mais c'est insuffisant. Que doit-on en faire ensuite ? Le problème du débat sur l'identité nationale ne tient pas au fait d'en discuter mais d'en arriver, bon gré mal gré, à une définition de cette identité. Or l'identité nationale est un processus personnel qui ne saurait être résumé à une définition, quelle qu'elle soit. De fait, une définition exclurait ceux qui, tout en étant français, ne se reconnaissent pas en elle. Si ce débat en arrive à une vision unique de l'identité nationale, alors il aura fait le même jeu que les nationalistes. Il ne faut pas opposer une vision unique à une autre, mais affirmer le pluralisme idéologique de la France.


Je crois que formaliser l'identité nationale est une erreur car nous avons tous notre interprétation de la France et de ses valeurs. La question que nous devons tous nous poser est « et si l'identité nationale qui ressort du débat n'est pas celle en laquelle je crois ? ». Que ferions-nous ?


Au final, la réflexion n'a pas toujours été facile pour moi. J'en suis quand même arrivé à me questionner. Je crois qu'aujourd'hui je peux finalement résumer tout cela en une phrase très simple :


Je suis français, et personne n'a le droit de me dire comment je dois l'être.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Hellow Darklord, j'ai bien lu ton article et j'ai pu apprécier ta réflexion.

"Mais il m'est apparu clairement que je n'avais pas grand chose de commun avec ceux qui se disaient « français ». Comment puis-je être si différents de gens qui sont comme moi ?"

Mon image de la France est celle d'une marmite avec une multitude de légume aussi différent les uns que les autres. La France est un amalgame hétéroclite, regroupant une multitude de personne très différente de part leurs origines ou leurs pensées. Pour avoir visité quelques pays voisin je peu dire n'avoir jamais retrouver cette diversité.

"S'il impose son point de vue, dois-je devenir soudainement un amoureux de la chasse pour rester français ?"

Je pense qu'aimer la France ce n'est pas aimer forcément tout ce qui la représente. C'est comme aimer une femme, les gouts entre vous ne serons pas toujours les mêmes et des fois elle fera des choses qui te déplaira, pourtant cela ne t'empêchera pas de l'aimer malgré ces différences.

CJK

Darklord a dit…

Tout à fait CJK, les différences de la France ne me gênent pas. Je me bats comme je peux pour présenter mon point de vue et ceux qui ne sont pas d'accord font de même.
Mais la vraie question que je posais dans cette réflexion c'était : Est-ce que l'on peut vraiment définir l'identité nationale ? Et là-dessus je pense que non, justement du fait de la diversité de la France.