lundi 27 septembre 2010

L'open space m'a tuer, l'hypocrisie du nouveau management


Je viens de finir ce livre : L'open space m'a tuer. Et je vous le conseille chaudement.

Alors il ne s'agit pas d'un roman, ni vraiment d'un documentaire mais plutôt d'un ensemble d'anecdotes sur le travail des cadres depuis l'arrivée du néo-management. Pour faire simple, avant, il y avait le chef, les cadres et les employés. Le chef décidait, avec ou sans les conseils des cadres, puis les cadres « encadraient » les employés pour que le boulot soit fait. Un peu abrupte comme méthode, pas très sympathique, voir carrément hermétique et même hostile.

Puis est arrivé pire : Le néo-management. Là c'est très simple, tout le monde est cadre. Pour rappeler la maxime du film d'animation Les Indestructibles : « Si tout le monde est exceptionnel, alors personne ne l'est ». Ben là donc c'est pareille, mais avec les cadres. Les cadres ont perdus leur fonction première : encadrer.

Au premier abord comme ça, on pourrait croire qu'un esprit ultra communiste s'est emparé du métier. Tout le monde est pareil sur un pied d'égalité[1]. Or évidemment, il n'en est rien. Il y a les cadres du bas de l'échelle et les cadres mieux placés, les chefs et petits chefs mais qui n'aiment pas trop qu'on les appelle comme ça. Ben oui, ça risquerait de rayer la belle image conviviale voulue par le néo-management. Alors on les appelle... pas, ou presque, on leur donne un nom abstrait selon le rang qu'ils occupent par rapport à nous. Ainsi un « chef » n+1 est quelqu'un qui est juste au dessus de nous. Un n+2 est un cran encore au-dessus c'est celui qui donne les ordres... pardon, qui discute avec enthousiasme et sans forcer la main avec le n+1.

Car bon, la grande supercherie de ce nouveau système c'est de faire croire que l'on travaille dans un monde parfait, que l'on est content, heureux, épanoui de rentrer des chiffres dans un ordinateur toute la journée. L'éclate totale.

Ce que veulent montrer les auteurs du livre, Alexandre Des Isnards et Thomas Zuber, c'est le revers de la médaille que tout le monde, même les employés, tentent de cacher. Ils ont ainsi réunis des dizaines d'anecdotes de collègues cadres qui dévoilent la réalité bien sale derrière un cache misère flamboyant. Horaire en pagaille, travail de nuit et/ou le week end, vie de famille inexistante ou au second plan, pression constante, stress, espionnage entre collègues, ragots, addiction au blackberry, utilisation de stagiaires « professionnels »[2]... Tout y passe.

Et l'on découvre bien vite qu'en fait de paradis, le travail des cadres est actuellement un enfer mis sous pression par le diktat de la bonne humeur constante, la fameuse positive attitude qui enferme les salariés dans une béatitude et un optimisme forcé, sous peine d'être réprimandé et/ou mis au ban de l'équipe. Le même message, souvenez-vous, a été utilisé par notre ancien premier ministre, Jean Pierre Raffarin, clown devant l'éternel. C'est la merde mais ferme-la et souris.

On apprend plein de choses dans ce livre, comment les managers[3] imposent une décision sans en avoir l'air, comment ils mettent la pression sur les cadres inférieurs pour que le travail soit fait dans des temps de plus en plus serrés[4], comment l'open space, ces bureaux sans murs sensés contribuer à un travail fraternel, créent en fait un sentiment de malaise et de suspicion,... Tout, tout, tout, vous saurez tout sur le néo-management. Sutout ce qu'on ne veut pas que vous entendiez.

Voilà donc tout ça pour vous dire que je vous conseille vivement la lecture de ce petit ouvrage qui, je vous rassure, n'est pas du tout ennuyeux. Les anecdotes font entre 2 et 6 pages environs, ainsi la lecture est rapide et agréable. C'est plutôt bien raconté, parfois drôle, souvent édifiant voir médusant. En tout cas une chose est sûre, dans notre société actuelle, c'est une lecture nécessaire.


Extrait :

« Accessible (tutoiement), ouvert (open space), le nouveau management joue sur un registre plus intime, plus participatif. De l'extérieur, ça donne envie. De l'intérieur, on se rend compte que rien n'a changé : sur fond d'imposture, d'attaques personnelles, de « toxicité émotionnelle » (comme disent les « behaviouristes » américains), et de dictature du bonheur, Les rapports sont violents et les hiérarchies bien présentes. »


Vous pouvez également allez voir le site des auteurs : http://www.lopenspacematuer.com/


Un bureau « open space » typique


[1] Oui, le communisme « théorique », évidemment.

[2] Des stagiaires qui ont déjà fait plusieurs stages mais dont on ne va pas leur offrir un CDI, quand même.

[3] Nouvelle dénomination pour les cadres qui font vraiment le boulot de cadres à savoir encadrer. Vous suivez ?

[4] Comme ça ne se fait pas de donner des ordres entre potes, on stresse celui d'en dessous jusqu'à ce qu'il en ait marre et fasse le boulot et mettent entre parenthèse toutes ses autres tâches non moins importantes.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est bien tout ça mais l'ambiance d'une entreprise est l'affaire de l'implication du gestionnaire. Quand c'est bien fait, l'open space est une véritable plateforme d'échange constructifs.

Anonyme a dit…

je viens de découvrir ce bouquin par hasard... je me doutais que le sort des cadrs n'était pas enviable ! j'iamgine que 10 ans plus tard, ça n'a pas dû s'arranger...

PS : je suis déçue, le site a été abandonné, ça renvoie sur une page en idéogrammes !