mercredi 20 octobre 2010

L'épopée de Gilgamesh



Pour tromper l'ennui entre deux coups d'oeil à des annonces inadaptées d'offre d'emploi, il m'arrive d'aller acheter quelques petits trucs, comme des Bds. J'ai acheté récemment le premier tome d'une série qui m'intéresse particulièrement : « L'épopée de Gilgamesh ». Pourquoi elle m'intéresse particulièrement ? Et bien parce que j'aime beaucoup tout ce qui touche à la mythologie et l'histoire de Gilgamesh, dans le genre, se pose là puisqu'il s'agit de la première légende écrite de l'humanité, rien que ça. L'histoire qui nous est parvenue jusqu'alors [1] date d'environ 3500 ans. Il s'agit d'un long poème épique dont certains pensent qu'à l'origine il devait faire 3000 vers. La version la plus complète est celle en possession de la bibliothèque d'Assurbanipal, qui fait 1600 vers en akkadien répartis sur 12 tablettes.

Hop ! Histoire :

Gilgamesh est roi de la cité d'Uruk[2] en Sumer, région qui avec l'Akkadie constituait la Mésopotamie. Et ce n'est pas un très bon roi. Il faut dire qu'il est considéré comme un dieu parmi les hommes et qu'il est très beau, très fort, très tout[3]. Du coup, il s'emmerde grave et n'arrête pas d'embêter les filles et les fils d'Uruk, notamment en violant les uns comme les autres. Le peuple est exaspéré mais ne peut rien dire, c'est le roi quand même. Les dieux décident de lui envoyer un golem à forme humaine, Enkidu, qui se mesure à lui. Comme il est également très fort, Gilgamesh et lui se battent sans que l'un d'eux puisse l'emporter. À partir de là, Gilgamesh s'assagit et devient un bon roi. Avec Enkidu, il va vivre de grandes aventure et battre pleins de monstres mythologiques sumériens et remporter plein de batailles. Il se fait remarquer par la déesse Ishtar qui désirent le mettre dans son lit divin mais Gilgamesh refuse. Il faut dire que tous les autres amants d'Ishtar ont très mal finis, ce qui est une bonne excuse. Ishtar lui envoie alors le taureau céleste que Enkidu et lui partent aussitôt combattre. Mais pendant le combat, Enkidu meurt et cela attriste beaucoup Gilgamesh qui se rend compte qu'il n'est pas non plus immortel. Il décide alors d'entreprendre un voyage pour découvrir le secret de l'immortalité.

Bon, là, je ne vous ait pas fait le résumé de la BD mais de l'ensemble du mythe. En fait, le Tome 1 de l'épopée s'arrête peu après que Gilgamesh et Enkidu se soient combattus et que Gilgamesh devient un bon roi. Il raconte aussi un peu comment Gilgamesh a récupéré le trône d'Uruk dans les premières pages.

Alors faut-il lire cette BD ? Et bien ça me paraît une bonne idée. Le style est assez grandiose pour rendre hommage au mythe et colle assez bien avec le ton que l'on imagine du héros. Le graphisme est excellent, le scénario en adéquation avec la légende malgré quelques modifications pour étoffer l'intrigue toujours un peu linéaire des mythes. Bref, ça ressemble à de la bonne BD tout ça.

Mais il y a un mais.

En effet, les auteurs ont omis, probablement volontairement l'une des caractéristiques principale du personnage : Sa bisexualité. Plus haut dans le résumé, je vous disais « il s'emmerde grave et n'arrête pas d'embêter les filles et les fils d'Uruk, notamment en violant les uns comme les autres ». Et bien, cela ne transparait pas dans la BD, cela fait parti uniquement du mythe. Pourtant le texte akkadien d'origine ne cache aucunement[4] que le roi ne crachait pas du tout sur les bonhommes. Bien que cela ne paraisse pas, la relation étroite qu'il entretenait avec son ami Enkidu était des plus ambigües. Un passage raconte qu'ayant vaincu un chef ennemi, il invita celui-ci à passer la nuit « sous sa tente » pour parachever la trêve.

Bref, au-delà même des simples goûts personnels du roi, il transparait dans le mythe que l'homosexualité était vécue, à l'époque, aussi naturelle que l'hétérosexualité. Les prudes auteurs/censeurs auraient-ils eut peur pour notre innocente jeunesse ? Que nenni. Parce que si l'homosexualité est passée sous silence, l'hétérosexualité, par contre, va bon train. On passe rarement plus de deux pages sans voir une poitrine féminine dénudée bien comme il faut. Et on a droit à une scène de repos du guerrier où Gilgamesh n'a pas moins de 4 filles dans son lit. C'est pas une tapette le bonhomme, non ?

Cependant, je ne crois pas, personnellement, à l'autocensure motivée uniquement par la « bienséance » de notre époque[5], mais plutôt à un positionnement marketing. Soyons réaliste, dans notre société d'aujourd'hui, l'homosexualité n'est pas considérée comme normale. Elle est mise à part. Que ce soit dans des revues spécialisées, surtout érotiques, passe encore, mais il s'est développé depuis un certain temps un commerce estampillé « gays et lesbiennes ». Dans les magasins Virgin, un rayon vidéo spécial sépare les productions « gays » des sages productions pour gens normaux. Les magasins communiquent sur le droit à la différence pour expliquer cette disparité, néanmoins, on peut se demander si ce genre d'attention n'atteint pas le but inverse de celui recherché, justement en opérant une séparation qui n'a pas forcément lieu d'être. On ne mélange pas les homos avec les autres, n'insiste-t-on pas plutôt sur la différence plutôt que de la rendre « normale » ?

De fait, j'imagine bien qu'une BD où un Gilgamesh s'occuperait autant des gars que des filles de sa bonne cité d'Uruk aurait eut des chances non négligeables de se retrouver estampillé produit « gay »[6], ce qui n'aurait pas été pour lui rendre justice. Peut être aurait-il fallut que les éditeurs aient le courage de présenter l'oeuvre comme étant destinée à tous, mais les éditions Soleil ne nous ont pas habitué à ce genre de prise de risque et préfère aligner des BD pour un public ouvertement jeune et hétérosexuel avec des héroïnes respectant le cahier des charges de la top modèle de haut niveau, quelque soit la série. Et souvent dénudée[7]. Pourtant ça ferait du bien à certains esprits obtus d'aujourd'hui de voir qu'il y a 35 siècle les mecs se tapaient dans l'oignon sans gêne et que cela n'a pas, contrairement à certaines prédictions apocalyptique homophobes, conduit la race humaine à l'extinction pour autant.

Enfin, il est donc bien dommage qu'une telle particularité d'une histoire qui a vécue plus de 3500 ans soit ainsi sacrifiée sur l'autel d'un merchandising stupide, mais la BD garde néanmoins des qualités intrinsèques non négligeables et, si vous êtes capable d'ignorer ce genre d'omissions, vous pourrez quand même l'apprécier.


Pour en savoir plus sur le vrai mythe de Gilgamesh, je vous recommande la lecture du livre Gilgamesh adapté par Léo Scheer d'après pleins d'autres auteurs, aux éditions Léo Scheer, 2006.



[1] Aucune légende ne nous est parvenue complète. Des fragments ont été retrouvés dans tous le moyen orient. On estime aujourd'hui que l'on connait à peu près les 2/3 de toute l'histoire.

[2] Contemporaine de Babylone.

[3] La BD ne le mentionne pas mais il est bien le fils d'une déesse, Ninsun, ce qui explique tout. Cela dit, dans certaines versions, sa mère (comme son père) est humaine et porte parfois des noms légèrement différents comme Nin Sun ou Ninsuna.

[4] Apparemment, à l'époque, ce n'était pas considéré comme une tare.

[5] Mais je ne dis pas que ça n'a pas joué non plus.

[6] En tout cas c'est sûr si les auteurs avaient représentés la sexualité gay comme ils l'ont fait pour l'hétérosexualité.

[7] Par ailleurs, au passage, les éditions Soleil refusent obstinément les BDs en noir et blanc, quelle que soit la qualité de l'oeuvre, prouvant par là leur attachement à un modèle commercial bien rigide et peu fantaisiste voir même peu original.

2 commentaires:

Mouton a dit…

A quand un nouveau billet !? :)

Anonyme a dit…

c'est quoi ces réflexions de merde espèce de saleté HOMOPHOBE ?????? le seul qui soit " pas normal " c'est toi et ton homophobie à soigner espèce de malade !