jeudi 27 novembre 2008

Miyazaki et la réflexion sur l'enfant "parfait"




Je travaille beaucoup en ce moment sur la question de l'éducation et je me suis aperçu d'un truc. Très récemment, je regardai l'excellentissime « le château dans le ciel » du non moins excellentissime Hayao Miyazaki que l'on ne présente plus, mais que je vais présenter quand même parce qu'on ne sait jamais.

Miyazaki est un réalisateur de films d'animation japonais à qui l'on doit de nombreux chefs d'oeuvres au cinéma, dans l'ordre « Nausicaä de la vallée du vent » (1984), « Le château dans le ciel » (1986), « Mon voisin Totoro » (1988), « Kiki la petite sorcière » (1989), « Porco Rosso » (1992), « Princesse Mononoke » (1997), « Le voyage de Chihiro » (2001), « Le château ambulant » (2004) et, prochainement, « Ponyo sur la falaise » (2008).

Demi-dieu vivant dans son pays, Miyazaki se fait d'abord connaître des fans de japanime en France grâce à « Nausicaä » distribué en VHS, puis avec « Totoro » diffusé régulièrement dans des salles de cinéma d'art et d'essais. Le succès viendra avec « Mononoke » et explosera littéralement avec « Chihiro ». Et enfin la France peut découvrir ce grand artiste (« le château dans le ciel » sortira sur les écrans français 16 ans après la sortie japonaise, quelle perte de temps).

Mais ce n'est pas pour vous parler de sa filmographie que je fais un article sur Miyazaki. Enfin pas aujourd'hui. Ce grand cinéaste a une thématique récurrente très intéressante, surtout du point de vue de l'animateur et sociologue que je suis, à savoir l'enfance en souffrance. Et c'est encore plus intéressant lorsque l'on sait que, paradoxalement, de nombreuses personnes voient dans les personnages de Miyazaki des « enfants parfaits » (son producteur en tête dans je ne sais plus quel bonus de je ne sais plus quel DVD).

Je me garderai bien de chercher à comprendre pourquoi ce thème est fortement développé par Miyazaki en cherchant dans sa vie personnelle. En dehors de « Porco Rosso », où il parle principalement de sa passion de l'aviation (autre thème récurrent dans ses films), tous ses autres films traitent de près ou de loin de l'enfance en souffrance, à ne pas confondre avec l'enfance maltraitée.

Les enfants de Miyazaki ont tous un manque affectif assez apparent. Souvent leurs parents sont absents. C'est le cas de Nausicaä, de Pazu et Sheeta dans « le château dans le ciel », de Satsuki dans « Totoro », de Kiki, de Chihiro, et du petit garçon (j'ai oublié le nom) assistant du magicien Hauru dans « le château ambulant ». Dans la plupart des cas c'est aussi une situation irrémédiable puisque les parents sont morts, sauf pour Kiki qui effectue son rite de sorcellerie loin de chez elle, de Satsuki car sa mère n'est qu'à l'hopital, et de Chihiro dont les parents ont été transformé en cochon, ça n'aide pas à la vie de famille, forcément. Toutefois, même dans ces films, l'absence se fait sentir, les parents n'apparaissant qu'en de très rares occasions.

Les enfants « parfaits » sont donc en fait des enfants qui ont dû se responsabiliser plus tôt, dû à ces absences de personnes assumant ces responsabilités à leur place. Au final, ce sont un peu des adultes en miniature. On est donc tenté, en tant que vrai adulte, d'être en admiration devant ces gamins qui sont sages, qui effectuent des taches diverses, voir qui travaillent carrément, qui ne braillent pas, qui savent raisonner et discuter calmement. Oui, mais à quel prix ?

Miyazaki ne donne pas sa définition de l'enfant parfait, il est extrêmement conscient de la différence entre les vrais enfants et ceux qu'ils montrent dans ces films, et ça se voit particulièrement bien dans « Totoro ». Satsuki et Mei sont deux petites filles (âgées respectivement de 10 et 4 ans) qui sont élevées par leur père, leur mère étant hospitalisée. On voit bien dans le film que Satsuki reprend le rôle de sa mère absente pour sa soeur, et que Mei (qui du coup ne souffre pas, ou pas autant, de l'absence de sa mère) n'est pas plus raisonnable ou sage que n'importe quel autre enfant. La pression du monde adulte sur l'enfance est particulièrement bien représentée par Satsuki qui ne peut se relâcher et redevenir une petite fille que lorsque son père est présent. Mais elle ne peut pas assumer autant de tension et finit quand même par « craquer » vers la fin du film après qu'elle ait appris que sa mère ne sortirait pas de l'hôpital et que sa petite soeur lui fasse une crise de colère. Miyazaki montre bien qu'un enfant, même très conscient de sa responsabilité, ne peut pas être un adulte.

Les parents qui se plaignent donc de ne pas avoir des enfants parfaits (et j'en vois un tas défiler dans les centres sociaux) devraient faire attention aux conséquences de ce qu'ils disent. Pour avoir rencontré beaucoup d'enfants, plus ou moins sages, plus ou moins responsables, etc... je peux vous dire que l'enfant parfait n'existe pas. Ou alors il faut l'envoyer bosser à la mine, comme Pazu, ou le faire embaucher comme personnel de ménage, comme Chihiro. Un enfant qui se sent bien aura plutôt envie de découvrir plein de choses (parfois en même temps) et aura souvent tendance à vouloir bouger dans tous les sens, à moins que découvrir à travers les livres ne lui suffisent, mais c'est rare. A l'inverse, je ne dis pas non plus qu'un gamin chieur ou insolent se sent bien dans sa peau et encore moins qu'il est parfait.

Je crois que l'éducation parfaite n'existe pas, qu'il n'y a pas de recette magique qui marche à tous les coups. Enfin j'espère que je ne fais pas peur non plus aux futurs parents, ou aux tout jeunes parents qui pourraient me lire. C'est formidable les enfants. J'ai passé d'excellents moments en colonie de vacances que je ne regretterai jamais. Même si c'est vrai que ça fait du bien quand ça s'arrête.

4 commentaires:

Merle a dit…

Il convient sans doute d'ajouter que Miyazaki a fortement été influencé par les longs métrages de l'âge d'or de Disney, où les personnages principaux sont quasiment tous des orphelins, des enfants abandonnés ou délaissés par leurs parents. Les exemples pleuvent :
- Blanche Neige orpheline de mère et figure paternelle absente,
- Dumbo dont la mère part au zonzon après un accès de violence,
- Bambi privé d'Œdipe quand sa mère est tuée
- Alice qui, sans surveillance, gobe du cacheton et part en vrille (elle était belle la jeunesse à l'époque),
- Peter Pan le junkie ado attardé,
- Rox et Rouky ou Romeo et Juliette version "Très Chasse",
- Cendrillon la cucurbitacée,
- Mowgli le danse-avec-les-ours,
- Bernard et Bianca les souris bigotes au secours d'une orpheline,
- Merlin l'Enchanteur qui fait fumer du cornet à Arthur...

Darklord a dit…

C'est vrai aussi. Et puis il ne faut pas oublier le sens pratique non plus, à savoir que c'est quand même plus simple de faire des héros d'enfants sans des parents qui leur traine dans les pattes.

_ Il faut que je parte sauver le monde même si je ne suis qu'un enfant.
_ Tu finis d'abord ta soupe.
_ Woha non... hé... steuplait maman

Anonyme a dit…

j'aime beaucoup ce que fait Miyazaki. Hélas je n'ai pas encore pu voir le Château dans le ciel, ni le voyage de Shihiro

Darklord a dit…

Arf Koulou... t'en as raté deux des meilleurs. Rattrape-toi vite.